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La pièce de Dario Fo et Franca Rame écrite dans les années 80 ausculte le couple et ses contradictions, et nous plonge au cœur de la scène de ménage avec audace et vitalité.
Une femme, un homme.
Elle, Antonia, femme respectable est désespérée. Son mari la trompe.
Lui, ingénieur, multiplie les conquêtes.
Elle, se sentant abandonnée tente de se suicider.
Lui sourd à ses appels, souhaite vivre des aventures extraconjugales au sein de son couple devenu ouvert.
Au bout du compte, Antonia va se laisser convaincre. Elle va utiliser sa liberté et chercher des aventures de son côté également.
Mais tout ne se passe pas comme le mari l’imaginait. Le retour de balancier ne va pas tarder.
Lequel des deux sera finalement le plus libre dans ce couple « hors norme » ?
Jusqu'où peut-on aller sans risquer de perdre l'autre en étant fidèle, libre, amoureux, ou possessif ?
Couple ouvert à deux battants est une comédie de mœurs à l’Italienne, très volubile, alternants moments comiques et clins d’œil. La pièce nous fait rire mais nous émeut aussi tant les actions sont criantes de vérité. Au point de s’y reconnaitre immédiatement.
Un spectacle tout public à partir du collège (3ème) |
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Couple ouvert: couple à nu/cœur ouvert. L'autopsie d'un couple en mal d'amour. Sous la lumière crue de nos regards, sans quatrième mur. Le spectateur avec ces deux-là, chez eux. Journée porte ouverte à l'improviste. Mieux, fenêtre ouverte. Comme cette fenêtre, à l'avant-scène. De cet appartement, on pourrait s'échapper par un saut dans le vide. Tentation du suicide, toujours joué, triché, sauf à la fin. En fin de compte. Lui, volontairement, se jetant dans la baignoire. Electrocuté.
Couple ouvert, aux amants et aux maîtresses. Sans réserve, sans coulisses. Couple qui s'affiche et qui s'offre. Liberté sexuelle choisie? Emancipation consentie du couple? Non. Désir unilatéral de l'homme. Pour justifier ses coucheries, sûrement. La femme finit par relever le défi. Et gagne.
Combat à deux battants: lui, l'Homme, elle, Antonia. La pièce est un combat. Vitalité, rythme, punch, éclat, corps à corps, attaques, parades... Energie du théâtre de la répartie qui fait mouche. Un mot s'impose: abattage. Pour deux battants... Avec brio et cruauté, tout à la fois. Dans les deux sens du terme d'abattage: vigueur et mise à mort.
Dans ce duel, qui soumettra l'autre à son jeu? Malgré le suicide de l'homme, pas de vainqueur. Ces deux là étaient sûrement faits l'un pour l'autre finalement, rien que pour l'un et pour l'autre. Sans s'y résoudre, pourtant. Surtout lui. Pour son malheur.
En fait, elle est plus forte que lui.
On peut croire à un plaidoyer pour l'émancipation de la femme.
Pas sûr. Ne s'agirait-il pas plutôt d’une pièce sur la force de la femme. La force des femmes. Savoir renaître. Antonia, toujours au bord du désespoir, du suicide, Antonia, la victime... en fait Antonia est forte. La plus forte. Non?
La pièce est un tissage serré de vérité et de mensonge. Difficile de savoir à quels moments les personnages disent la vérité et à quels moments ils mentent et se mentent. La vie et le théâtre couchent ensemble et réel et fiction se confondent. Le quatrième mur vole en éclat, les limites de la scène deviennent floues et incertaines. La frontière est-elle si ténue entre la vie et le théâtre ? Les personnages eux-mêmes en jouent et transgressent les limites de la fiction pour entrer dans l'espace de la réalité. Ils savent que le public les regarde; ils leur parlent. Psychanalyse? (rires) Miroir? Ou image de la fraternité de ceux qui se réunissent dans les théâtres pour se parler, essayer de comprendre et en rire.
Qu'ils mentent ou disent la vérité les personnages paraissent tout aussi convaincus de leurs paroles. Pas de second degré ici. Ni de psychologie explicative. Un engagement total. Corporel.
Une comédie. Une comédie d'abord. Rire. Ouf! Rire! Vivacité d'une comédie qui sait faire mouche: brillante, vive, jouant avec le public, art du rythme.
Sur fond de mal être, d'abandon, de souffrance, de désamour et de cruauté.
Une comédie, qui, le temps d'un suicide presque accidentel, finit en tragédie. Comme si à trop jouer au chat et à la souris avec la réalité, elle finissait par les rattraper.
Couple ouvert à deux battants souffle un air de tristesse en même temps que de grands éclats de rire. Tristesse de ceux qui regardent un paradis perdu s'éloigner sous leurs yeux et rire libérateur qui répond par l'humour au dur métier de vivre.
Centrer sur le jeu de l'actrice et de l'acteur.
Décor d'appartement mode bobo moyen. Stylisé.
Canapé et table basse.
Une fenêtre qui ouvre sur le public. Pour un improbable envol.
Deux portes. Une de la salle de bain, lieu des disparitions. Une seconde, d'entrée, que personne ne prendra dans le sens de la sortie.
Jean-Marie Broucaret
Avril 2017 |
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